On aurait dû se méfier. Se méfier de l’air d’incompréhension totale d’Alain et Anne – un équipage très sympa rencontré en hivernage à Bari – quand nous leur avions avoué que la Grèce, ce serait vite fait, un tour du « Pélo » avant une remontée de l’Italie et un retour en France en septembre.
Se méfier aussi de ce type qui nous a accueilli dans la première Taverna fréquentée avec l’ami Pierre …un peu trop « ouzo » pour être vrai, pensions-nous. Et puis il y a eu la suite et tous ces types qui naviguent dans les îles ioniennes …. « depuis au moins 4 ou 5 années, je vois pas pourquoi j’irai ailleurs ! », et bien d’autres choses encore.
En quelques lignes et photos, comment le piège s’est doucement mais sûrement refermé sur nous qui projetons maintenant au moins deux années ici, et plus si affinités !

Qu’a-t-il bien pu nous arriver pour que nous soyons à ce point conquis par les îles et le continent ioniens  avant de l’être (peut-être) par le reste du pays?

Analyse multifactorielle du problème, sans hiérarchie aucune :

1. Le facteur nautique

Naviguer en Méditerranée, c’est généralement accepter un mélange de calmes plats et de coups de vent dévastateurs. C’est chercher avec désespoir des mouillages vraiment abrités, peu profonds avec des fonds qui accrochent bien et qui permettent de laisser notre voilier en toute sérénité pendant les balades. La Croatie n’est pas avare de bons mouillages mais ceux-ci sont très souvent trop profonds ou terriblement chers (voir facteur 2). Ici, en mer ionienne, le printemps nous gratifie d’une mer peu agitée, d’un vent régulier et modéré tous les jours à partir de 11 heures du matin, de mouillages dont le choix deviendrait presque pénible tant il y en a (on va dans celui-là ou dans celui-ci?).

Un autre aspect est la grande diversité des bateaux qui naviguent avec nous : diversité de taille, forme ou âge. Très peu, pour le moment sans doute, de ces « Motoryachts » immenses, appartenant aux 0,1 % de nantis qui possède à eux seuls les mêmes richesses que le reste de la planète. Les pavillons – et donc les navigateurs – sont aussi très divers : allemands, suisses, autrichiens, italiens, hollandais, tchèques, polonais, américains, suédois ou norvégiens, danois et bien sûr, une grande majorité d’anglais dans chaque port ou mouillage. Nous n’oublions pas nos compatriotes, très nombreux également. Espérons que nous arriverons à faire quelques belles rencontres avec tous ces gens …. c’est pas gagné …..chacun reste un peu dans son coin.

2 . le facteur « caisse du bord »
Naviguer en Méditerranée n’est pas à la portée de tout le monde. Marinas chères en France, hors de prix en Italie et Croatie, idem en Sicile mais sans aucun confort. A part le « caffè », les « gelati » et les légumes en Italie, en Sicile, Sardaigne et Pouilles, se nourrir et boire quelques canons bienvenus reste une activité à haut risque pour la caisse … cette fois-ci surtout dans notre beau mais très cher pays. Ici en mer ionienne, les prix restent très raisonnables et même modiques y compris dans les endroits les plus touristiques. Nous ne retrouvons pas ici, l’impression pénible d’être un genre de tiroir caisse permanent. L’abondance de mouillages sûrs rend le séjour en Marina à peu près inutile et même dans ce cas, certaines sont « données » ! Enfin, si comme nos venons de l’écrire, de très nombreux voiliers naviguent dans ces eaux, au moins peut-on dire qu’ils sont variés en taille, prix et pavillon. Il est agréable, de partager nos navigations et nos mouillages avec des butineurs itinérants comme nous. Toute la planète voile se retrouve ici.

3. le facteur « Waouuuh! »

Là, il n’y aura pas de vaine comparaison entre les beautés des uns et des autres. Nous avons parcouru plusieurs milliers de milles le long des côtes méditerranéennes et, avouons-le, c’est splendide partout ou presque ! C’est d’ailleurs la vraie découverte de notre périple, l’an dernier et cette année : nous avons admiré des paysages sublimes, étonnants, d’une beauté qui nous a parfois coupé le souffle, sans exagération. Les paysages grecs sont exactement à cette hauteur-là ! Le ciel également qui nous crée chaque jour des » sculpures-chantilly »  du plus bel effet bien que parfois un peu inquiétantes (voir blog sur orages croates !)

4. le facteur humain

C’est le dernier et certainement le plus important pour nous. Tout aussi vain serait de faire un comparatif entre les peuples, idiot et dangereux même : laissons cela aux nationalistes et religieux de tous poils qui, partout en Europe, f… la merde en s’imaginant plus beaux et plus purs que le voisin, générant rejets et guerres. Notre propos est ici de dire simplement à quel point nous nous sentons bien accueillis partout où nous passons. Dans chaque île, nous ne pouvons que constater avec un immense plaisir, à quel point les Grecs rencontrés (presque tous!) sont avenants, gentils et souvent le cœur sur la main, sans obsession commerciale derrière la tête (oui, le pays est endetté, oui, ils ne savent peut-être pas arnaquer le client comme ailleurs…!). Où voit-on un restaurateur offrir un gros paquet d’olives noires faites à la maison parce qu’il nous a vu apprécier sa cuisine, effectivement savoureuse, et le lui dire ? Quel petit épicier au fond d’une baie peu passante nous rend la monnaie avec un grand sourire et nous remerciant quatre fois comme si on venait de lui sauver la vie alors que nous venons juste de lui faire l’appoint pour éviter qu’il ne dilapide sa monnaie ? Les fins de repas dans les tavernas sont parfois (en fait presque toujours) à rallonge : vous demandez la note après le plat de moussaka et le pichet de blanc et vous voyez revenir le patron avec une assiette pleine de fruits coupés, de petites friandises et, dans les grands jours, le verre d’alcool pour faire passer le tout ! Inutile de dire qu’aucune trace de ces charmantes attentions n’apparaît sur la note, toujours exacte et sans surprise.

Bon, la prochaine fois, on vous reparlera de notre route : nous naviguons actuellement entre Corfou, Paxos, Prévisa, Leucade et ces derniers jours Mésolonghi, un endroit magique, on dirait l’île d’Oléron ! Mais patience, le plus fort reste à venir et nous plongerons bientôt pour notre tour du Péloponnèse … vous en saurez plus dans quelques temps.