Italienne, la prochaine étape ? Ben, pas tout de suite car la météo pourrie de ce mois de mai se permet encore de sévir. Donc, avant Otrante, direction BAR, toujours au Montenegro, là où une méchante surprise nous attendait ….

Une Skoda grise s ’arrête à quelques mètres de Pixel, amarré à un quai poussiéreux du port de plaisance de Bar. Plaisance …. nous reviendrons sur ce terme hautement sujet à caution un peu plus tard.

Bar, donc, et sa marina aux longs quais , parcourus en tous sens par de rares véhicules automobiles gris, bruns, beiges ; les uns en fin de vie, d’autres gras de suffisance et rutilants d’agressivité, 4X4 ou grosses cylindrées conduits par des ombres grises et mal rasées. Le parking qui couvre l’essentiel du terre-plein est vide. Vide d’une population décidément introuvable, sauf les ombres grises, évidemment.

Revenons à notre Skoda. Elle repart, remplacée bien vite par une Golf toute aussi grise. Les deux sont conduites par des types en uniforme. Police ? Douanes ? Paramilitaires ? Plusieurs véhicules se sont relayés ces deux derniers jours devant un voilier voisin du notre et battant pavillon serbe. Ou russe ? On ne sait plus. Sur le bateau, des rubans bloquent l’entrée, genre scène de crime dans les séries américaines : « Policjia ». Occasion pour nous de prolonger l’histoire : Igor, Ludmillia et Paulette s’invitent dans un petit délire noir que nous ne coucherons jamais sur une feuille mais qui entretient la fantaisie et la gaieté de l’équipage. Fantaisie et gaieté : deux autres mots hautement sujets à caution, ici. Mais nous allons bientôt y venir, ne t’impatiente pas trop, cher lecteur. Car, vois-tu, cher lecteur, à part Paulette et Igor, tout le reste est vrai et se passe sous nos yeux incrédules.

Bar est le principal port du Monténégro mais pour nous, qui sommes allés voir ailleurs que dans notre guide à touristes si la réalité s’y trouvait, nous savons qu’il est aussi le terminal et la porte d’entrée de tous les trafics possibles. Le pays est au bord de la faillite depuis quelques années après des débuts prometteurs. Il a le faible PIB par habitant d’un pays « en voie de développement » et semble gangrené par une économie souterraine et mafieuse sur fond d’ultra-libéralisme. L’ambiance du port, les visages fermés ou hostiles des ombres grises, les petites gens vaquant à de petites occupations en rasant les trottoirs sont autant d’éléments – hélas raccords – avec cette triste réalité. Bien sûr il y a quelques rayons de soleil dans tout ça : l’accueil d’un garçon près du poste à essence, serviable et attentionné, qui nous a guidés vers notre poste de mouillage. Il « aidait » le préposé chargé de surveiller la marina. Le responsable lui-même, prévenu par téléphone, a consenti à ouvrir un bureau ouvert de 9 H à 18 H mais qui reste fermé toute la journée. Il nous a pris nos « documenti » et s’en est allé aussi vite qu’il était arrivé. Nous avons retrouvé notre garçon le lendemain, retour de pêche sur une barque fatiguée et branlante. Quand nous sommes partis enfin de ce port, il nous a salué. Lui disant que nous étions passé par Kotor avant de visiter Stari Bar (belle surprise au demeurant, une ville en ruine au charme fou … même si là aussi, le manque d’entretien et de sécurisation y sont flagrants), le garçon – disais-je – nous a très sérieusement expliqué que là-bas ce n’était que des gangs de mafieux qui se tiraient dessus à la moindre occasion. A notre questionnement pour savoir si à Bar, les choses n’étaient pas identiques, il nous a répondu un peu gêné « oh, yes, also but a little bit less (oui, aussi mais un peu moins). Éclairant !

Plaisance, gaieté et fantaisie, nous sommes allés les chercher à Podgorica, la capitale du Monténégro. Pour nos esprits occidentaux trop bien nourris, « capitale » a comme fantasmes liés : monuments, larges avenues, shopping frénétique de foules pressées, musées et autres attractions touristiques et culturelles. Notre guide à touristes, dont je tairai l’éditeur tellement cet opuscule est mauvais, nous avait un peu prévenu s: Podgorica n’est pas très sexy. Je cite : « Podgorica n’est pas la capitale la plus branchée d’Europe, mais si vous …….., vous découvrirez une petite ville agrémentée de nombreux espaces verts, parsemées de cafés sympathiques et de beaux musées ».

Nous avons vu. Nous sommes contents d’avoir vu. Voyager, c’est prendre tout le temps ce risque délicieux de découvrir l’exact contraire de ce à quoi nous nous attendons. Et nous avons été délicieusement servis, cette fois-ci.

Immeubles en ruines ou jamais terminés (décidément une spécialité du pays : allez voir sur le net en tapant « Monténégro, faillites immobilières »), rues du centre grises et sales, façades dégradées dont le look – en plus trash – n’a rien à envier à nos chers « quartiers  sensibles», rues quasi désertes (le samedi matin, midi et après-midi) : je peine à décrire l’émotion ressentie alors par mon valeureux équipage. Déprimés ? Terrifiés ? Oppressés ? Choqués ? Ce sont les quelques adjectifs qui nous viennent spontanément à l’esprit. Éloquemment, les seuls points colorés, animés et pour tout dire « vivants » de cet endroit sont les quelques boutiques de luxe qui vendent (?) des produits internationaux de marques trop connues pour que nous leur fassions encore une publicité inutile.

Après un repas longuet dans un restaurant vide bien que recommandé (mais tous les restaurants étaient vides !), nous reprenons le train pour un retour vers Bar qui nous apparaît du coup légèrement plus attrayant.

Nous n’avions jamais vu ça, donc cela valait le détour ! Un bref détour, bien sûr . Cuba, Sicile, Pouilles ou Calabre ? Des petits paradis ! Vivement que la météo nous permette de les rejoindre (non, Pierre, pas Cuba!).

Enfin ! Dernier bulletin : grains avec pluies fortes, vent modéré, temps s’améliorant …. ON REPART EN ITALIE, CETTE FOIS, C’EST LA BONNE ! A plus !